Une lutte est née à Esquirol - contexte, écrit de soignants en psychiatrie

 


Créé en mai 2023, le collectif pour l’avenir des hôpitaux Saint-Maurice et les Murets (pour la défense de l’hôpital Esquirol) se bat contre le projet immobilier de la direction, de l’ARS, et la politique de santé visant à diminuer toujours plus l’investissement pour l’hôpital public. Ce projet vise à céder aux promoteurs immobiliers plus de la moitié des bâtiments d’Esquirol pour construire de nouveaux bâtiments trois fois plus petits sur un espace boisé classé du parc de l’hôpital.

 

Ce faisant, cette lutte pour un accueil digne en psychiatrie nous entraine à la croisée des politiques territoriales, écologiques et de santé, que ce soit le manque de logements sociaux dans certaines communes, les engagements factices pour la préservation de la biodiversité et la non-artificialisation des sols, et les soins de proximité et au long cours.

 

Pour l’hôpital public, voilà des années que le gouvernement crie qu’il y a trop de lits d’hôpitaux en France, arguant l’autonomisation nécessaire des patients et proposant de transférer toujours plus les soins en dehors de l’hôpital : le fameux « virage ambulatoire ». Mais la dégradation de l’hôpital est telle que dorénavant, les services ferment aussi faute de personnel.

 

La psychiatrie propose depuis les années 60 des soins de proximité, en dehors ou en amont et en aval de l’hôpital, grâce à la politique de secteur. Il s’agit d’un découpage territorial visant à proposer des soins à proximité des lieux de vie des citoyens pouvant être amenés à rencontrer les soins. Dans chaque secteur, centres médico-psychologiques, hôpitaux de jour, centre d’accueil et de crise ou encore centres d’accueil thérapeutique à temps partiel travaillent ensemble à constituer un réseau soignant dans la cité au long des parcours de soin.

 

Aujourd’hui, l’État continue de fermer des services d’hospitalisation sans pour autant mettre des moyens en ambulatoire.

En réalité, cette politique de proximité adaptée notamment aux plus précaires et aux soins au long cours est aujourd’hui remise en question par une autre idée, celle du découpage selon les pathologies, et l’on voit apparaitre un peu partout des cliniques privées ou encore des « centres experts », centrés sur le diagnostic et les médicaments plutôt que sur le lien thérapeutique et social. L’objectif de ces centres experts est de permettre, sous couvert de dépistage précoce, une orientation vers le secteur libéral par le financement public de séances dans le privé.

 

Aussi, depuis le 1er janvier 2024, le financement de la psychiatrie est passé à la « T2C » sorte d’équivalent de la tarification à l’activité pour la psychiatrie, qui jusqu’ici disposait d’une enveloppe globale en fonction de la population du secteur, l’activité de la psychiatrie étant difficilement « chiffrable ».

 

Aux hôpitaux Saint-Maurice et les Murets, les études prévoient une augmentation des demandes de soin et une augmentation des hospitalisations (+ 7% d’activité pour 2024 selon la direction). Des services de psychiatrie ont fermés à Paris et dans le Val de Marne, mettant en tension l’accueil des personnes dont les besoins vont croissants. Les personnes en urgences psychiatriques attendent parfois plusieurs jours sur les brancards aux urgences dans des conditions indignes, sédatées et contentionnées.

 

Notre lutte s’inscrit dans la défense de l’asile au sens noble du terme. Nous sommes pour un soin dans la cité tant que cela est possible, mais affirmons qu’un accueil digne à l’hôpital n’est pas remplaçable. Aujourd’hui, après le covid, beaucoup de soignants quittent l’hôpital public à cause des conditions de travail et d’une trop faible rémunération. Plus de la moitié des postes en unités d’hospitalisation sont assurés par des intérimaires. Les équipes sont en sous-effectif chronique et cet état de crise se banalise.

 

Les patients que nous soignons nous disent à quel point les locaux actuels avec leurs patios intérieurs, la possibilité de déambuler sur une surface suffisamment grande sont partie prenante du soin lors de leur hospitalisation. Des intérimaires nous disent apprécier venir à Esquirol pour les locaux.

 

Certaines chambres sont trop exiguës et des remises aux normes sont nécessaires, mais des travaux de rénovation sont possibles en conservant les patios, les salles d’activités et la surface des services. D’autres types de lieux de soins dont nous manquons cruellement en France et dans la région pourraient même être installés dans des parties inoccupées de cet hôpital classé au patrimoine, laissées depuis trop longtemps à l’abandon.

 

Notre lutte est une lutte citoyenne, écologique et syndicale. Notre collectif rassemble soignants, patients, élus, associations écologistes, syndicats et citoyens.

 

Nous avons besoin de la solidarité de chacun pour l'emporter, une cagnotte (nous avons des frais d'avocats suite à notre recours juridique contre le déclassement du bois) et une pétition sont en ligne sur notre blog.

                                                                      

                                                                                                                                                                                                                    Des soignants du collectif.        

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